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honnêtes, humains, généreux, on ne leur aurait pardonné ni leurs richesses, ni les droits qu’on avait créés entre leurs mains par des emprunts. Souvent dépouillés arbitrairement, ils se croyaient, à tort, autorisés à chercher de grands bénéfices. Traités en ennemis, ils rêvaient la vengeance. Chassés de toutes les carrières ouvertes à l’ambition des hommes, il ne leur restait pas d’autre sphère d’activité que la banque et le commerce. S’ils se jetèrent en grand nombre dans l’usure, il est juste au moins de reconnaître que la faute n’en était pas à eux seuls. Ils pouvaient dire à la société : « C’est vous qui nous avez faits ce que nous sommes ! »

Voyons quelle est aujourd’hui leur situation[1]. Commençons par la Russie. Les juifs sont exclus de la Grande-Russie ; non-seulement ils n’y peuvent pas vivre, mais ils n’y peuvent séjourner plus de vingt-quatre heures[2]. Il y a très-peu de temps qu’un secrétaire d’ambassade, portant un nom illustre, a été obligé, dit-on, de recourir à l’appui de son gouvernement pour obtenir de passer une semaine à Moscou[3]. Et cependant, étrange anomalie, la Grande--

  1. Ce qui suit, sur la situation des juifs en Pologne, en Prusse et en Autriche, a été écrit en 1857. On sait assez que les modifications survenues, notamment en Pologne, n’ont été que des aggravations.
  2. L’empereur actuel a rendu plusieurs ordonnances favorables à la situation des juifs. Le Ghetto de Moscou a été supprimé.
  3. Dans ces derniers temps (cette note est de 1857) un grand nombre d’Israélites qui étaient partis pour la Russie ont été repoussés à la frontière de cet empire parce qu’ils ne se trouvaient pas compris dans la catégorie des juifs auxquels les lois permettent de séjourner en Russie.
     Afin d’éviter aux Israélites prussiens cet inconvénient, le ministre de l’intérieur a fait recueillir toutes les lois et ordonnances actuellement en vigueur qui concernent la résidence des juifs étrangers en Russie, et il en a adressé des exemplaires aux régences des provinces, avec ordre de les communiquer à tout Israélite qui demanderait un passe-port pour la Russie. Voici la substance de ces dispositions : 1o Les Israélites étrangers arrivant en Russie ne pourront résider que dans les villes frontières où existent des douanes et des bourses, et encore seulement dans celles d’entre ces villes qui sont situées dans les provinces où il n’est pas interdit aux juifs de séjourner. Ils n’y pourront demeurer que pendant l’espace d’une année, et ils devront se conformer