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mise à l’égard des étrangers ? Ils répondirent que la loi divine contenait des dispositions religieuses et des dispositions politiques, que les dispositions politiques étaient nécessairement abrogées depuis que le peuple d’Israël avait perdu son existence distincte, ses rois, ses magistrats ; que nés en France et traités en citoyens par la loi, ils acceptaient pleinement tous les devoirs de citoyens. Quand ces douloureuses questions furent posées par les commissaires du gouvernement[1], l’assemblée manifesta, par un mouvement unanime, combien elle était sensible à la défiance qu’elles exprimaient. Ils vivaient au milieu de nous, partageant nos charges, nos périls ; et nous ne connaissions ni leurs lois, ni leurs mœurs, ni leurs sentiments.

Et quand donc avaient-ils désobéi ? À quelle époque de l’histoire y eut-il une insurrection de juifs ? Même quand on les dépouillait, quand on les chassait, avaient-ils recours à la violence ? Les juifs, comme individus, étaient-ils moins réguliers que les chrétiens ? Remplissaient-ils les bagnes et les prisons ? Leurs ennemis mêmes s’accordaient à rendre hommage à leurs vertus domestiques. La famille juive était restée pure aux époques les plus licencieuses. Paria au dehors, le misérable juif, rentré chez lui, fermait toutes les portes, cachait sa vie aux ennemis de sa race et de sa foi, et devenait un patriarche. Ils restaient unis entre eux, disait-on : oui, par une commune oppression et un commun malheur. Les juifs ne se mêlaient pas aux autres peuples, parce que tous les peuples les repoussaient. Ils faisaient l’usure, il est vrai ; et souvent même avec une âpreté, avec une audace déplorables. Mais pourquoi faisaient-ils l’usure ? parce qu’on leur interdisait de posséder la terre, d’exercer un métier. Il ne leur restait que l’argent ; ils en trafiquaient. Quand ils étaient presque les seuls banquiers du monde, eussent-ils été

  1. MM. Molé, Pasquier et Portalis fils, maîtres des requêtes.