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volontaire, il n’a pu rentrer dans son pays qu’avec la liberté enfin conquise[1].

Mais où mon discours ne prendrait pas de fin, ce serait si j’entreprenais de parler des israélites. Traités en ennemis publics pendant toute la durée du moyen âge, exclus de la société civile, objet d’horreur et de mépris pour tous les peuples, ils portaient le poids de la malédiction des chrétiens, qui voyaient des frères dans tous les hommes, et dans les juifs les meurtriers du Sauveur. Quand Luther accomplit son grand schisme, les deux Églises dissidentes ne s’accordèrent que dans leur horreur pour les juifs. On aurait pu croire que les guerres religieuses, en donnant à la haine un autre cours, laisseraient ce peuple respirer : il n’en fut rien. Les protestants et les catholiques se haïssaient entre eux ; mais ils haïssaient encore plus les juifs, ils les méprisaient, ils les abhorraient. Même pendant la révolution française, nous avons vu l’Assemblée constituante hésiter jusqu’au dernier jour à leur donner les droits de citoyens. Ils ne furent pas mieux traités au commencement de l’Empire. « Ce n’est pas une religion, disait Portalis ; c’est un peuple. » Et l’on partait de là pour les traiter, sinon en ennemis, en étrangers du moins. Après dix-huit cents ans de proscription, ils n’avaient ni reconquis Jérusalem, ni trouvé une patrie. Ils obéissaient aux lois, ils payaient l’impôt, et même, pres-

  1. La liste des victimes de l’inquisition toscane depuis la restauration de Léopold II serait trop longue. Nous citerons Bolognini et Calamandrei accusés en 1851, et qui échappèrent à la prison par la fuite ; Stephan Benelli, condamné à six mois de prison, vers la fin de 1851, comme suspect d’adhésion au protestantisme ; en janvier 1852, Daniel Mazzinghi, condamné à six mois de travaux forcés pour avoir détourné un mourant de recevoir l’extrême-onction ; en janvier 1853, Charles Carrara, pour avoir professé des opinions contraires à la religion de l’État, deux ans de prison ; en août, Natale Lippi, trois mois de prison, pour avoir lu la Bible dans sa famille ; en octobre 1855, Eusèbe Massei, pour avoir lu la Bible à son fils âgé de quinze ans, un an de réclusion ; 26 mars 1855, Dominique Cecchetti, pour n’avoir pas élevé ses enfants dans la religion catholique, un an de prison, etc., etc.