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cette vieille et antique opinion, dit-il ? C’est ce dont on pourrait douter. » Le doute ne porte que sur cette interprétation particulière. Par cette hésitation et cette mesure, il se sépare très-profondément des pythagoriciens qui confondaient toute la mythologie avec les mystères, et n’étaient pas très-éloignés de confondre les mystères avec la théologie. Il s’exprime ainsi dans le douzième livre de la Métaphysique[1] : « Une tradition venue de l’antiquité la plus reculée, et transmise à la postérité sous l’enveloppe de la fable, nous apprend que les astres sont des dieux et que la divinité embrasse toute la nature. Tout le reste sont des mythes ajoutés pour persuader le vulgaire dans l’intérêt des lois et pour l’utilité commune. Ainsi on a donné aux dieux des formes humaines, et même on les a représentés sous la figure de certains animaux, et on a composé d’autres fables de même genre. Mais si on en dégage le principe pour le considérer seul, savoir, que les premières essences sont des dieux, on pense que ce sont là des doctrines vraiment divines ; et que peut-être, les arts et la philosophie ayant été plusieurs fois trouvés et perdus, ces opinions ont été conservées jusqu’à notre âge comme des débris de l’ancienne sagesse. C’est dans ces limites seulement que nous admettons ces croyances de nos ancêtres et des premiers âges. » Ces paroles sont d’un esprit très-ferme et très-pénétrant. Elles montrent qu’Aristote pensait de la mythologie à peu près ce que nous en pensons nous-mêmes. Il laisse pourtant percer, jusque dans cette négation formelle, un certain respect, un penchant pour l’interprétation, pour le symbolisme. Dans les chapitres assez nombreux où il expose les opinions de ses devanciers avant de donner la sienne, il cite les théologiens aussi souvent que les pythagoriciens ou les Éléates ; il les cite en les interprétant, mais en les respectant : φιλόμυθος ὁ φιλόσοφος πῶς ἐστιν, dit-il[2]. « L’ami de

  1. Mét., liv. XII, chap. VIII.
  2. Liv. I, ch. II.