une question de justice. On compatissait aux douleurs des opprimés, on voulait y mettre un terme ; on ne songeait pas à réclamer pour eux l’égalité. Tous les mémoires publiés, et il y en avait un grand nombre depuis le milieu du dix-huitième siècle[1], avaient eu pour but d’obtenir le rappel des lois pénales, et la restitution aux protestants des droits de l’état civil ; personne n’avait rien demandé au delà. « Nous ne pouvons pas, disaient les protestants, nous livrer aux plus innocentes affections de la nature sans craindre l’infamie et le supplice. Contraints, pour servir l’Être suprême, de fuir les lieux qu’habitent nos semblables, d’errer dans les déserts, de nous exposer aux chaleurs brûlantes de l’été, aux froids rigoureux de l’hiver, notre obéissance aux lois de Dieu est une désobéissance à celles du souverain[2]. » C’est à ces plaintes désolées que répondait Louis XVI en disant dans le préambule de l’édit :
- ↑ Nous citerons un Mémoire sur le mariage des protestants, par un
catholique, M. de La Morandière ; le Mémoire d’Élie de Beaumont, avocat ;
Mémoire politique et théologique sur la nécessité de constater les mariages
des protestants devant les magistrats, par M. de Monclar, procureur
général au parlement de Provence ; Lettre d’un patriote sur la tolérance
civile des protestants de France et sur les avantages qui en résulteraient
pour le royaume, etc. De leur côté, les catholiques exaltés publiaient un
grand nombre d’écrits pour réclamer le maintien et l’exécution des lois
existantes : Sentiments des catholiques de France sur le Mémoire au sujet
des mariages clandestins des protestants, 1756. — Mémoire sur les suites
funestes de la liberté de penser et d’imprimer, présenté au roi par l’assemblée
générale du clergé en mars 1770, etc.
Au moment où parurent les Mémoires de Malesherbes, on publia en France une brochure intitulée : Discours à lire au conseil en présence du roi par un ministre patriote, sur le projet d’accorder aux protestants l’état civil en France. En voici le plan : « Qu’ont fait les protestants avant la révocation de l’édit de Nantes ? — Qu’ont-ils fait depuis cette époque ? — Que feraient-ils dans les circonstances actuelles, si le gouvernement sanctionnait leur état ? La maréchale de NoaiUlles porta ce pamphlet chez tous les pairs et conseillers au parlement avec le billet circulaire que voici : « Mme la maréchale de Noailles est venue pour avoir l’honneur de vous voir, et pour vous engager à défendre la religion et l’État, dont les intérêts vous sont confiés. » - ↑ Sermon de Jean-Bon Saint-André, dans l’ouvrage de M. Michel Nicolas cité plus haut, page 7.