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Mais nous, esprits du Verbe, nous exigeâmes des formes, et tu nous rendis aussitôt visibles, ô Seigneur, ayant permis que, de nous-mêmes, de notre volonté et de notre amour, nous suscitions les premières formes, pour comparaître devant Toi, révélés.

Tu séparas alors les âmes qui élurent la Lumière de celles qui choisirent leur révélation dans les ténèbres ; les unes sur les étoiles et les soleils, les autres sur les terres et les lunes, commencèrent le travail des formes dont Tu reçois toujours le produit suprême de l’amour, pour qui tout est créé, d’où procède tout ce qui naît.

Sur ces rocs d’or et d’argent incrustés de mica, qui, tels d’immenses boucliers apparus jadis en songe à Homère, étincellent derrière moi et renvoient en rayons flamboyants le soleil qui m’inonde les épaules ; sur ces rocs d’où se fait entendre, dans la rumeur de l’océan, la voix continuelle du chaos dans son travail des formes, où les âmes, par la même voie que moi jadis, s’élèvent sur l’échelle de vie de Jacob ; au-dessus de ces flots sur qui mon s’élança tant de fois vers des horizons inconnus à la recherche de mondes nouveaux : permets-moi, mon Dieu, que, comme un enfant, je balbutie l’œuvre ancienne de ma vie, et que je la lise dans les formes qui sont les écrits de mon passé.

Or, mon Âme, en tant que Trinité première, faite des trois personnes : Esprit, Amour et Volonté, voguait – appelant à soi les âmes fraternelles d’une nature pareille – quand, ayant, par l’Amour, éveillé sa volonté, elle commua un point de l’espace invisible en la fulguration des forces Magnétiques Attractives.

Ces dernières se transformèrent en foudre et électricité.

Puis elles s’attiédirent dans l’Âme.

Mais alors que paresseuse, s’attardant dans son travail, mon âme négligea de faire jaillir d’elle-même son essence solaire et s’écarta de la voie Créatrice, Tu la punis, Seigneur, et lui infligeas la lutte de ses forces intérieures en les rendant l’une à l’autre étrangères ; Tu forças sa lumière à n’être plus clarté mais feu destructeur ; puis, la rendant tributaire des mondes solaires et lunaires, tu transformas mon âme en un tourbillon de feu et la suspendis sur les abîmes.

Or voici que dans les cieux, un cycle nouveau d’âmes lumineuses, pareil à une gerbe incandescente, mais d’une essence plus pure et rachetée, ange d’or aux cheveux épars, entraînant et fort, saisit comme une poignée d’astres, les fit tourbillonner en un arc de feu et les entraîna à sa suite.

Alors, confondus l’un dans l’autre, trois anges, l’ange solaire, l’ange lunaire et l’ange planétaire, s’entendirent sur la loi première de l’interdépendance de l’aide et du poids ; et depuis je nommais la saison éclairée le jour, et celle qui manque de lumière la nuit.