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terre, en son héritage, ne subirait aucune perte. Hosanna, ô Seigneur, Tu es le Créateur, – et mon âme, cependant, a le mérite de sa propre création...

Comment ferais-je maintenant pour revenir de ces hauteurs à l’ancienne position de la science ?... où la vie, avant son enfance, me fut un mystère, où l’avenir ne présentait aucun but... Alors qu’ici, partant du passé, je me suis trouvé sur le roc de la création...

Je vois ce que j’ai acquis par mon travail et ce qui me reste à accomplir... Voici que mon âme, dans son travail avec l’humanité, a effectué déjà une grande partie de cette œuvre ; voici qu’au-dessus des instincts et vertus animales, elle sut conquérir bien des produits de l’esprit humain et beaucoup de puissance humaine, angélique déjà. Dans d’autres livres, je T’exposerai ces œuvres, ô Seigneur, mais permets-moi maintenant de me retourner une fois encore vers cet abîme des six jours de la nature en repos et engourdie, et de la saluer une dernière fois avant de m’engager dans l’avenir.

Ô mon âme, alors qu’encore dans le silex tu fis le sacrifice de ta forme et de ta durée, dans la pensée de sacrifier ton éternité.... quand, dis-je, tu t’offris à la mort, le Seigneur accepta ton offrande, mais il te trompa, comme un père trompe son fils bien-aimé. Par ce sacrifice, non seulement tu obtins dans le progrès des siècles, la forme humaine, mais comme Ève, tu pus t’écrier : j’ai gagné l’homme au Seigneur. Or, le Seigneur te gratifia de ce dont tu n’osas jamais même rêver... Il te fit don de l’éternité des formes qui se renouvellent les unes des autres – par ce pouvoir de recréer des formes à elles-mêmes pareilles.... Par l’effet de cette grâce, sans perdre son immortalité ni la moindre parcelle de sa puissance spirituelle, l’homme reproduit une forme qui lui ressemble et devient l’habitation d’une âme semblable. Car il ne crée pas d’âme, mais pour l’âme qui lui ressemble et déjà prête à venir au monde, il engendre une forme analogue à la sienne et fait don à l’âme fraternelle, de son entrée dans la visibilité. C’est dans cette ressemblance que se trouve le secret de toutes les vertus qui se conservèrent dans les races, non pas parce qu’elles sont avec le sang, transvasées d’un corps à l’autre, mais de par cette loi que seules des âmes semblables peuvent habiter des corps semblables. L’immortalité de ces formes acquises par la mort, démontre que c’est par le sacrifice que l’âme obtient sa domination sur la mort et que, comme évitant les lois de la matière impuissante, elle les vainc et les détruit. La puissance qui, sur le sol antique de l’empire romain, se dégage de ses ruines, me stupéfia naguère, mon Dieu – et mes yeux cherchèrent au moins une colonne qui me traçât sur la rétine ces mêmes formes qui se dessinèrent autrefois sur celle de César.... mais les œuvres accomplies par la main de l’homme changent d’aspect... Les monuments élevés pour des siècles croulèrent... Les gouttes de rosée rongèrent les yeux des statues de marbre... Incertain de voir quoi que ce fût des