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pâle et fragile, lance dans l’espace ses membres désespérés ; et comme sa fleur – voudrait s’élancer de la tige pour prendre le vol – ailée déjà, comme Psyché, elle te réclame le vol du papillon. Tu exauceras cette âme, ô mon Dieu, et lui accorderas ce dont elle te supplie, de créer cette forme, qu’elle léguera, fragile mais éternelle, aux âmes qui la suivront, à ses sœurs spirituelles.

Que de sagesse, ô Seigneur, je vois dans les premières suppliques de l’âme végétale par Toi exaucées, quelle perfection dans la mise en œuvre de son art sur la terre.

Sur les rivages de l’Océan, là-bas, où dans la rosée, la morsure du sel ronge même les assises des monuments humains, les âmes imaginèrent les velours dont elles se drapent, et pareilles à des Nymphes, elles parent leurs cheveux hérissés des perles argentées qui s’échappent des tresses des Océanides ; et c’est ainsi que, diamants bus par le soleil, ces larmes venimeuses de la mer, se dessèchent avant que de tomber sur le cœur des plantes... Ailleurs, dryades des citronniers, elles se firent des miroirs contre les rayons brûlants du soleil ; couvertes de flèches d’or, elles en renvoient la lumière, de la laque brillante et polie de leurs feuilles... Montrez-moi une région où règnent les éléments déchaînés, où l’ouragan lutte avec les vagues, où les plantes, accrochées aux rochers, accomplissent avec peine le travail de la vie, et sans interroger de dryade – de mon âme je vous répondrai par cette prière qu’adressèrent à Dieu toutes ces âmes, pour obtenir leurs formes actuelles... comme elles, mon âme pendant des siècles pria et travailla ; elle est maintenant mélancolique, quand, au milieu de cette nature sauvage, dans ces plantes si frêles, elle découvre les traces de ce dur labeur.

Permets-moi qu’ici-même, ô mon Dieu, je dévoile un des moindres mystères de mon âme, au risque d’un jugement moqueur mais prématuré. – Or voici, l’odorat m’est témoin – de mon séjour d’il y a des siècles, dans les plantes, où l’âme de ce corps (que je possède maintenant) élaborait en même temps que les vaisseaux sanguins, le sentiment du beau, de l’informe ou du venimeux. Lorsque j’aspire le parfum de la rose, comme enivré, j’oublie pour un moment les désirs et les tristesses de ma nature humaine, et c’est comme une réminiscence de l’époque où le but de mon âme était la création de la beauté ; sentir un parfum fut sa seule jouissance et son seul soulagement dans le travail... Voici, Seigneur, que pour un instant je m’en retourne au temps de mon enfance – et comme un vent de fraîcheur et de jeunesse vient me frapper des abîmes de la genèse... Mais c’est en vain, Seigneur, que la Science s’efforça de m’expliquer ce phénomène – par l’action de l’odeur sur le sens de l’odorat ; je cherchai, quant à moi, l’effet des sens sur mon âme, qui se réjouit ou s’attriste dans la sensation olfactive.

C’est dans cette voie, ô Immortel, que travaillait l’Ange très misérable, ton Fils très humble, dans le royaume des plantes, quand il gagna enfin, sous sa forme dernière, un monde plus élevé – et