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le jour de Ton alliance définitive avec l’homme, auquel Tu accordas, d’après ces lois, l’activité créatrice et la liberté de l’Âme.

C’est alors, avec le sixième jour, que s’éveilla dans l’âme sa pensée sur l’homme, et le moindre brin d’herbe la porte logiquement inscrite dans sa forme. L’Âme, cet ouvrier divin, commença à créer et progresser lentement, mais, au cours de son travail de tant de siècles avec la matière, elle se passionna souvent pour la forme, s’irrita et contracta des désirs morbides, s’élevant contre ses propres lois qui avaient gouverné le passé. Plus d’une fois elle s’arrêta paresseusement et s’assoupit dans la voie créatrice ; quelquefois enfin, elle rétrograda, Seigneur, et vendit son droit d’aînesse, pour se nourrir, pour un plat de lentilles. Plus courageuse, une autre, quoique née plus tard, revêtait une toison de brebis, y gagnait la bénédiction du Seigneur, puis devançait par la sienne la descendance de sa sœur... C’est ainsi que doit s’entendre cette injustice de Moïse que, d’inspiration, il sentait être la justice du monde spirituel... Car ainsi qu’en un miroir, l’histoire humaine réfléchit celle de l’âme.

De ces cinq jours passés, il faudrait ressusciter les morts et s’entretenir avec les âmes de ces formes disparues, pour décrire avec certitude l’enchaînement de ces figures que les sages apprirent sur leur corps ; car Tu sais, mon Dieu, que certaines d’entre ces formes provisoires qui passèrent d’un règne à l’autre ne furent, parce que monstrueuses, admises dans l’Arche de la vie... Pour ne retrouver que ces foyers, disparus de la chaîne génésique, vains seront les efforts de ceux qui ne cherchent que dans les formes extérieures et seul celui qui, de toute son âme, s’essayera à découvrir la nature, y tiendra avec certitude l’initiation à ces mystères au fond de son âme propre.

Permets-moi, maintenant, ô mon Dieu, pour la seconde fois, d’évoquer mon œuvre d’avant l’apparition de l’homme... celle du sixième joui que mon âme paracheva, sage d une expérience de cinq jours, et telle qu’ayant tout recréé à nouveau, il ne se perde plus rien des dons et propriétés acquis par son travail...

Chaque arbre est la solution suprême d’un problème mathématique mystère du nombre, qui, se répartissant en nombre pairs dans les plantes imparfaites, en nombres impairs dans celles qui progressent, se résout dans l’arbre tout entier par l’unité. Ce sentiment intime de l’unité dans la multiplicité, est le premier problème de l’âme végétale, sa jouissance intime et sa satisfaction Cette couleur première dont aujourd’hui nous voyons les arbres revêtus, est logique, car elle résulte de la lumière jaune dont se nourrissent les plantes, dans sa combinaison avec l’azur de l’air et des ondes... Mais voici que ces deux nuances condensées puis combinées en la chlorophylle des plantes, tissèrent à l’âme des arbres, ces cheveux et ces mantes d’émeraude, figurés dans le livre de Moise par la feuille de figuier, dont l’homme fit son premier vêtement.