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car tu récompensas, Seigneur, de ce que nous appelons aujourd’hui l’organisme cette mort, pour la première fois révélée à la nature. Première offrande, c’est cette mort qui donna naissance à la première résurrection. De par ta grâce, ô Seigneur, cette force merveilleuse de recréer des formes à elles-mêmes pareilles fut assignée à l’âme, et grâce à cette puissance, unifiées, les âmes en nombre diffèrent, se choquant l’une contre l’autre et embrasant leurs forces, restèrent créatrices de formes à elles-mêmes pareilles.

Les Âmes commencèrent donc à Mourir puis à Ressusciter et non plus à se mélanger, se liquéfier, se combiner et se désintégrer en gaz. Mais quoique je sache, ô Seigneur, que, déposée dans la première étincelle, mon Âme vivait déjà entièrement dans la pierre ; à mes yeux, pourtant si misérables, ce n’est que depuis cette mort et ce premier sacrifice à la mort que l’Âme commence visiblement à vivre et me devient fraternelle.

Ainsi, un seul sacrifice de l’Âme à la mort, accompli avec toute sa puissance d’amour et de volonté, rendit une descendance innombrable de formes, merveilles de la création que je ne T’énumérerai pas, Seigneur, aujourd’hui en mon langage humain, car Tu les connais toutes – car aucune des formes suivantes ne naquit de celle qui la précédait sans que Tu l’aies su. C’est Toi qui pris d’abord entre Tes mains l’âme qui T’implorait ; Tu confessas ses désirs puérils, puis Tu lui fis don, selon sa volonté, d’une forme nouvelle. Combien sages et puériles elles sont à la fois, ces formes. Torturée cependant par une longue souffrance, dans un logis malcommode, trop hâtivement réalisé : chacune de ces âmes éprouvées par la connaissance Te supplia en larmes, ô mon Dieu, de lui accorder une amélioration de ses murs misérables. De ses commodités passées et de ses trésors, fussent-ils de perles ou de diamant, elle Te fit toujours, Seigneur, quelque sacrifice, afin d’obtenir toujours davantage pour l’Âme, suivant ses besoins.

Vieil Océan, dis-moi, comment se passèrent au fond des ondes les premiers mystères de l’organisme, les premiers développements de ces fleurs de nerfs d’où vint à s’épanouir l’âme ? – Mais, par deux fois, tu effaças du visage de la Terre ces premières formes étranges et maladroites de l’âme, et certes, tu n’exhumeras plus aujourd’hui ces monstres qui, de ton sein, observaient les yeux de Dieu. – D’immenses éponges et reptiles végétaux sortaient des flots d’argent ; les zoophytes, de leurs nids multiples, s’appuyaient sur le sol et tendaient leur gueule vers le fond de la terre. Après avoir emprunté aux assises paternelles la défense de leur propre corps, couvertes de boucliers de pierre, la limace et l’huître s’accolèrent aux rochers, émerveillées de vivre. Pour la première fois, la prudence apparut dans les cornes de la limace ; le besoin d’une protection et la terreur causée par le mouvement de la vie fixèrent l’huître au rocher. Au sein des eaux naquirent alors des monstres prudents, paresseux et froids, qui, s’opposant avec désespoir à l’agitation des