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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Un jour, des Ardennes, par une voie détournée, Rolande avait pu faire passer deux lettres en France…

C’était tout,

La lettre était-elle arrivée à Simon ? L’autre, à Norbert ?

Elle ne le savait.

Simon vivait-il encore ? Et Norbert ?

Effrayant mystère…

La mort n’aurait pas pu les séparer plus complètement.

Quelques minutes après, harassées par leur bonheur comme elles l’eussent été par une fatigue énorme, les jeunes filles s’endormirent, enlacées…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quand le train s’arrêta à la gare de l’Est, et qu’elles mirent le pied sur le quai, elles se demandèrent, peureuses parmi cette foule où elles étaient inconnues :

— Qu’allons-nous devenir ?

Qui contera le douloureux calvaire des femmes isolées dans Paris, pendant les années de la grande guerre ?

Ces deux-là étaient courageuses, prêtes à accepter les plus durs travaux…

Elles ne peineraient jamais plus que lorsque leurs petites mains délicates maniaient la pelle et la pioche, en chargeant ou déchargeant les wagons de charbon, ou en creusant des abris et des tranchées… Leurs doigts s’étaient endurcis… Puis, il fallait vivre… Il répugnait à Rolande de s’adresser à quelques lointains parents et à se réclamer de leur charité. Quant à Rose-Lys, à Paris elle ne connaissait personne… Si, une femme, une pauvre vieille, dévouée et peureuse, Pulchérie… Mais Pulchérie avait-elle pu, comme elle le désirait, gagner Paris ?… N’était-elle pas en Allemagne, comme tant d’autres, emportant avec elle, dans son exil, le mystérieux et redoutable sachet de cuir ?