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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Rose-Lys, de camp en camp, était venue s’échouer dans la forêt Noire…

À Fribourg-en-Brisgau, elle monta, avec des compagnes, dans un wagon qui fut accroché à un train de rapatriées.

Ce train emportait Rolande.

C’est ainsi que sans savoir qu’elles étaient l’une près de l’autre, les jeunes filles firent le trajet de Fribourg jusqu’à Bâle.

Une heure après, dans le train qui les emportait cette fois vers la France, réunies dans le même compartiment, leurs mains jointes, elles furent longtemps sans parler !

Elles avaient trop de confidences à se faire.

Seulement, dans ce silence, leurs regards s’interrogeaient parfois avec anxiété.

— Est-ce fini, de tant de malheurs !…

Ce fut seulement quand le train franchit la frontière française que la terreur, sur le visage de Rolande — cette terreur qui semblait en être devenue l’expression immuable — s’éteignit peu à peu et que les yeux troubles redevinrent plus clairs.

Elle demanda à son amie :

— Tu as souffert beaucoup ?

— Comme les autres, beaucoup, mais pas plus que les autres… et toi ?

— Oh ! moi, plus que les autres, dit-elle avec un geste effaré de la main sur son front, pour en écarter le cauchemar. Quand je fus séparée de toi, dans la nuit, on me jeta dans un wagon à bestiaux… Nous étions là une trentaine, des hommes et des femmes, et l’on nous conduisait nous ne savions pas où… Des jours et des jours se passèrent, des nuits et des nuits… dans un froid terrible… Nous étions garées par des soldats et l’on ne nous permettait pas de descendre… Ainsi nous avons traversé toute l’Allemagne… La neige tombait… Des glaçons se formaient aux por-