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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Rose-Lys !

— Rolande !

Et pour Rolande trop faible la joie fut trop forte…

Elle s’affaissa évanouie sur le quai, écrasant les fleurs dans sa chute.

On la transporta au poste de secours.

Un médecin la fit revenir à elle.

Rose-Lys, penchée, guettait anxieusement son premier regard.

— C’est toi, mon Dieu, c’est toi… Je ne puis le croire…

Alors elles s’étreignirent et pleurèrent, silencieusement, secouées de sanglots.

Un jour, il y avait de cela deux ans, à Clairefonlaine, un ordre était venu.

On avait parqué, comme des bestiaux, les enfants et les femmes.

Une heure après un train les emportait à travers les Ardennes et la Belgique jusqu’à Dusseldorff… Elles y restèrent trois jours dans un camp d’exilés qui venaient un peu de partout, de tous les points occupés en France, mais puisqu’on ne les séparait pas, elles trouvaient leur sort supportable, au milieu de leur misère.

Le quatrième jour, au matin, Rose-Lys ne vit plus Rolande auprès d’elle.

On était venu la chercher. Elle était partie, seule, entre des soldats, dans la nuit.

Et depuis lors, depuis deux ans, elles ne s’étaient plus revues… sans nouvelles, mortes l’une pour l’autre.

Enfin, l’Allemagne s’était décidée à rapatrier ses prisonnières, cédant à l’indignation et à la révolte du monde civilisé…

Rolande était alors dans un bagne de la Prusse orientale.