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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Je n’irai pas là, fit Rolande en mettant la main sur celle de son amie… Prends le chemin du village… Nous y trouverons l’hospitalité…

— Comment vivrons-nous, mon Dieu !  !

Rolande caressa la gentille fillette.

— N’aie pas peur… Nous nous défendrons… Je me sens revivre… Dans quelques jours, j’aurai assez de force pour être comme tout le monde… C’est toi qui as pris soin de moi, Rose ?… Oui, je me rappelle, dans des éclairs de vie… C’était ton doux visage anxieux qui se penchait sur moi… Ma sœur, ma sœur, dit-elle très tendre. Mon père mort, mon frère parti avec son régiment, tout le monde m’avait abandonnée. Je ne me rappelle pas comment j’ai souffert, ni combien j’ai souffert… L’étrange chose… Parfois il me semblait que je m’éveillais à la vie, puis, de nouveau, l’anéantissement. Et cela, n’est-ce pas ? depuis le soir, depuis le soir terrible…

Elle frissonna…

— Je me souviens maintenant de tout ce qui s’est passé… Oh ! je pourrais reconstituer la scène affreuse. Depuis que j’étais revenue de Hongrie, je savais que ma vie était en péril, parce que j’étais en possession d’un secret redoutable qui intéresse là-bas ceux qui ont déchaîné cette guerre et qui essayeront sans doute d’en reporter la responsabilité sur notre pays,.. J’ai été suivie depuis lors par des gens acharnés à ma perte… Partout où je me tournais, c’était des dangers de mort !… Je ne dormais plus… Mes nuits étaient remplies par les visions de deux misérables dont les mains se tendaient vers ma gorge… les mêmes qui, de Medgyar, m’avaient accompagnée jusqu’à la frontière suisse… et qui, durant le trajet, avaient voulu se défaire de moi… Déjà, malgré les précautions que je prenais, malgré la surveillance que j’avais établie, ils avaient réussi à s’introduire au château… Puis, un soir… un soir, que j’étais seule, quelques minutes