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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Les gens étaient très heureux, dans nos campagnes, et s’assoupissaient dans leur bonheur. Chacun faisait ses affaires, tâchait d’agrandir son bien. Personne ne songeait au mal, et on ne croyait pas non plus que d’autres y pensaient. C’est la guerre, n’est-ce pas ? Ce sont des soldats allemands que nous rencontrons ? Ce sont eux qui pillent, qui incendient, qui assassinent les créatures inoffensives dont nous avons rencontré les cadavres qui pourrissent le long de la route ?

— Oui.

Elle baissa la tête et murmura :

— Ah ! les monstres ! ils ont réussi !  !

— Que dis-tu ? Que signifie ?

— Ils la préparaient, cette guerre, ils la voulaient. Ils ont tout fait pour qu’elle éclatât à l’heure qu’ils avaient choisie !  ! Moi, je le sais…

Elle parut réfléchir et ajouta, après un silence :

— Je le sais, et j’en ai la preuve !

Elle se tut.

Le cheval repartait.

Rose-Lys n’osa la questionner, mais elle se rappelait les paroles de Jean-Louis. La gravité de ce dépôt confié par Rolande à Simon, par Simon à son père, par le meunier à elle-même, et qui, maintenant entre les mains débiles et tremblantes de la peureuse Pulchérie, s’en allait à toutes les chances, à tous les hasards, à toutes les aventures…

C’était à cela, sans doute, que Rolande faisait allusion.

Au détour de la route, on aperçut le château de Clairefontaine.

— Ils ne font pas brûlé, dit Rose-Lys… mais ils l’occupent.

On voyait, en effet, aller et venir des autos dans l’avenue au fond de laquelle, dans le soleil couchant, apparaissait la façade massive.