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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

En approchant de Clairefontaine, sur la côte, Rose-Lys arrêta le cheval.

De là, on apercevait très bien le village. D’un peu partout, de la fumée montait en colonnes toutes droites dans le ciel calme et pur.

Elle chercha, là-bas, à gauche du bouquet d’arbres, la ferme de Marengo.

Là aussi, une colonne de fumée, et des flammes encore parmi les débris…

Elle chercha les Moulins-Neufs, l’orgueil de Jean-Louis Levaillant.

Ils n’existaient plus, et même là, il n’y avait déjà plus ni fumée ni flammes.

Alors elle pleura silencieusement, les yeux cachés dans ses deux mains.

Tout à coup, elle sentit qu’on lui prenait les doigts, d’un geste timide et très doux, et qu’on essayait de les détacher de son visage.

Elle releva la tête avec surprise… Rolande la regardait… Rolande vivante… Rolande intelligente…

Ce lent travail de rénovation de retour à la vie, Rose-Lys y avait assisté minute par minute, depuis leur départ du chemin de Bétheny.

Mais nulle parole n’avait été prononcée encore.

Cette fois, elle entendit :

— Rose, tu pleures… Pourquoi ?

Et Rose-Lys pleura plus fort en disant :

— Enfin, enfin, te voilà revenue parmi nous !…

— Il me semble que je sors d’une longue, longue nuit… et mes yeux sont éblouis… Voici deux jours que je revis, sans te le dire, et que je pense et que j’essaye de comprendre des choses étranges, si étranges que j’ai cru que je poursuivais un mauvais rêve… et alors je tentais de me rendormir… Car c’est un rêve, n’est-ce pas ? atroce, inimaginable ?

— Rolande, te souviens-tu ?… Et de quoi te souviens-tu ?