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LES ÉCUMEURS DE GUERRE


IV

la vie, le souvenir, l’angoisse


Dans le tombereau disloqué, attelé du vieux cheval poussif, — les Allemands avaient méprisé l’un et l’autre, — Rolande et Rose-Lys avaient fait le trajet du retour parmi les villages où brûlaient encore les maisons.

Car l’ennemi restait fidèle à l’ordre fameux que prononçait jadis Bismarck :

« Vous ne devez laisser aux populations que vous traversez que leurs yeux pour pleurer ! »

Elles avaient rencontré, en chemin, le roulier Bertrand qui s’en revenait, lui aussi, mais sans sa voiture, le fouet seulement passé autour du cou.

Et il disait avec un rire rageur :

— Mon fouet, c’est tout ce qu’ils m’ont laissé, les cochons !

Elles rencontrèrent des gens de Rethel aussi, et même deux ou trois villageois de Clairefontaine refoulés vers leur pays par les Boches qui criaient :

— Retournez chez vous… nous ne vous ferons pas de mal !…

Ils étaient ainsi, les pauvres fugitifs, coupés de la France. Ceux de Reims, plus heureux, allaient recouvrer leur liberté, souffriraient le martyre pendant quatre ans et demi, mais, du moins, souffriraient en France.