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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

roulé dans le creux de sa main et son autre main contre son cœur pour s’assurer que le terrible dépôt dont elle avait la garde était bien là. Mais si peureuse qu’elle fût, c’était une fidèle. Il ne lui vint même pas à la pensée qu’elle pourrait ne pas accomplir le devoir qu’on avait réclamé de sa probité. Qu’était-ce que ce secret qu’elle emportait ainsi ? Elle ne se le demanda point et sa curiosité n’en fut pas éveillée. Un trésor, une fortune, n’importe quoi ? Elle ne s’en soucia pas. Elle erra ainsi jusqu’à la nuit, réussit à acheter du chocolat, ne trouva plus de pain, alla sur le Parvis s’asseoir sur le socle de la statue de Jeanne d’Arc, pour se protéger contre toute violence dans l’ombre des tours de la basilique éclairée par la lune. Elle croisa les bras sur ses genoux après avoir enroulé son chapelet autour de son poignet, posa la tête sur ses bras, et, dans cette posture, à côté de cinq ou six malheureux qui étaient comme elle, Pulchérie finit par s’endormir d’un sommeil de fatigue et de fièvre.

Le lendemain elle essaya de sortir de Reims et de prendre la route de Paris.

Ce fut impossible. Toutes les routes, les rues, jusqu’aux sentiers, étaient gardés sévèrement.

Elle essaya de nouveau, elle essaya tous les jours. Des soldats la repoussèrent à coups de crosse. Alors elle n’osa plus renouveler sa tentative. Une fois, pendant la nuit, elle s’aventura jusqu’aux abords de la maison du chemin de Bétheny, malgré les ordres formels qui défendaient, sous peine de mort, qu’on sortît après sept heures du soir. La maison de Cyrille était vide. Rolande et Rose-Lys étaient parties. Elle s’y attendait, et pourtant elle pleura, de se sentir un peu plus abandonnée. Elle vécut plusieurs jours, sans parler à personne, farouche dans son épouvante. Elle n’apprit rien de ce qui se passait. Elle souffrait comme un pauvre animal qui ne peut pas se plaindre.