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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

sur elle et qui avaient l’air de l’interroger, elle s’approcha du lit :

— Me reconnaissez-vous, mademoiselle ?

Rolande eut un vague sourire et murmura :

— Rose-Lys…

Et son nom ainsi prononcé détendit les nerfs de Rose-Lys, qui éclata en sanglots. Les mains de Rolande se promenèrent sur ces yeux qui pleuraient, caressèrent le visage qui se convulsait.

Enfin, elle était vivante…

Mais l’effort, sans doute, avait été trop violent et avait épuisé tout ce qu’il y avait d’énergie dans la malade, car ses traits se fatiguèrent dans une contraction de souffrance ; elle ferma les paupières et parut s’endormir…

— Pulchérie, dit Rose-Lys, nous avons un devoir à remplir…

Alors, dans le jardin, elles creusèrent deux fosses, l’une pour Jean-Louis, l’autre pour le fermier Barbarat… et péniblement elles y glissèrent les corps… Elles plantèrent une croix de bois sur chaque tombe… et longtemps, abîmée dans sa douleur, la jeune fille pria, mains jointes, et parla tout bas à son père…

À cet instant commença un autre martyre…

Des soldats, des ordonnances et des officiers envahissaient la maison… En quelques minutes tout fut mis à sac… les caves vidées… des tables dressées… Un major fit venir Pulchérie et Rose-Lys et les interrogea brutalement…

— Quelles sont ces tombes ?

— Celle de mon père… celle d’un de ses amis…

— Pourquoi les a-t-on fusillés ?

— Je ne sais pas. Nous arrivons des Ardennes, fuyant vos armées. Nous avions trouvé refuge ici. Des hommes sont venus… et la mort les a suivis…

— Ils avaient tiré sur nos soldats.

— Non… nous n’avons pas d’armes.