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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Au hasard, par la rue Coquebert et le boulevard.

Puis par la rue de Sedan jusqu’à la place de l’Hôtel-de-Ville.

Les heures passèrent et, au fur et à mesure qu’elles entraient dans le passé, les rues se vidaient… les fuyards avaient quitté la ville… Ceux des habitants qui avaient décidé de partir étaient partis… et, comme par enchantement, à l’exception de quelques traînards, on ne voyait plus de soldats français… Reims s’apprêtait à son supplice par le silence, par une sorte de recueillement farouche dans les ténèbres que trouaient des phares éclatants d’automobiles vite éteints, et Jean-Louis se retrouva, sans l’avoir fait exprès, au chemin de Bétheny. Il s’approcha de la maison ouverte… Aucune lumière… Il y entra… à tâtons… Au rez-de-chaussée, le fermier Barbarat ronflait sur un matelas jeté par terre… Dans une chambre du premier étage, sur d’autres matelas, Rose-Lys et Pulchérie sommeillaient et elles ne se réveillèrent même pas à son approche… Dans un lit, les yeux ouverts et fixes, Rolande était plus calme.

Rassuré et voyant qu’au moins pour le moment personne n’avait besoin de lui, Jean-Louis repartit en quête… au hasard toujours…

Au hasard, par la route de Givet et le boulevard Saint-Marceau… par la sous-préfecture et la place Royale, par la rue de Vesles et la place des Marchés…

Là, il s’assit sur le perron d’un petit café qui formait angle avec la rue.

Le désespoir entrait dans son âme et il retint des sanglots dans ses poings qu’il mordit.

C’était folie de vouloir chercher, de vouloir trouver, parmi l’affreux désordre d’une ville qui était à demi abandonnée et où tout à l’heure le lourd pas et le dur parler des Boches vainqueurs étonneraient les murs paisibles des vieilles maisons. Par-ci, par-là, un éclatement d’obus… et un peu partout des incendies