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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Leduc. De là, il observa pendant quelques instants les allées et venues des habitants, et ayant appris sans doute ce qu’il voulait savoir, il s’esquiva. Dans la rue Coquebert, une auto l’attendait. Il sauta sur le siège, près du chauffeur, et un bec de gaz voisin éclaira tout à coup les deux sinistres figures de Sturberg et de Nicky Lariss…

Au hasard, cherchant l’impossible, Jean-Louis poursuivait sa route. Il ne voyait rien des drames de désordre et de terreur qui se déroulaient autour de lui. Parfois, pour ne pas être écrasé par les véhicules de tous genres : charrettes à fumier, carrioles, voitures à bras, victorias, autos, camions, il était obligé de s’adosser dans une encoignure de porte. Là, il laissait passer le flot, d’un regard aigu, essayant de démêler les traits sur tous les visages… souvent prêt à bondir quand quelque ressemblance tout à coup le frappait… Il ne se disait pas que depuis longtemps, après leur coup fait, les deux bandits avaient dû s’enfuir, mettre en sûreté leur vol… et, par tous les moyens, essayer de regagner la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche… Son instinct le guidait toujours… Pour lui, ces hommes étaient là… Misérables à la solde de l’ennemi, ils attendaient… Quoi ? L’ennemi. Nulle part ils ne trouveraient plus de sécurité que dans les rangs des Boches par lesquels, sans doute, ils avaient le pouvoir de se faire reconnaître… Et les Boches approchaient… Ils étaient même si près qu’en cette nuit, déjà, des obus tombaient sur la ville, autour de la cathédrale et sur la basilique elle-même qui était plus particulièrement visée… Jean-Louis marchait sans prendre garde aux bousculades et rien n’arrivait jusqu’à sa compréhension de tous les cris, de tous les appels, et des nouvelles colportées, et des bruits les plus alarmants… Il allait, par cette tempête, comme s’il traversait une mer d’huile sans vagues et sans remous…