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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Là-haut, la voix monotone de Pulchérie se fit entendre :

« Je vous salue, Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous… »

On avait allumé des feux la veille, et les hommes les avaient entretenus avec des branches de sapin… Ils achevaient de se consumer… Des enfants et des femmes transis, tout grelottants, se pressaient autour, les mains tendues aux flammes pauvres qui s’étouffaient dans la fumée et les cendres.

Si quelques-uns, venant de plus loin que les autres, s’étaient arrêtés là, de toute la nuit, le fleuve des fuyards ne ralentit pas son courant, et sur la route crayeuse, délavée, défoncée, dans la boue collante comme de la poix blanche, les bandes de soldats et de paysans, entremêlés, défilèrent, interminables, dans un lent, compact et incessant mouvement de houle…

Le barou reprit son chemin vers Reims.

Rolande avait les yeux fixés vers le ciel.

Son visage immobile n’exprimait ni crainte, ni joie, ni souffrance.

Elle ne tressaillit pas quand deux lèvres douces s’appuyèrent sur son front.

Les lèvres de Rose-Lys…

Rose-Lys murmurait :

— Je te sauverai… toi qu’il a toujours aimée. Je le rendrai à lui que tu aimes et que j’aime. Et je serai ainsi aussi heureuse et plus fière que toi… Lui me devra une gratitude éternelle… Mon souvenir sera associé à son bonheur et au tien, puisque votre bonheur à tous deux aura été mon œuvre…

Mais ses yeux se mouillèrent, et elle les essuya furtivement.

Derrière, Jean-Louis s’en venait, la tête basse, feuillant parfois contre sa poitrine par un geste de vaine espérance, pour y chercher ce qui n’y était plus.

Et il disait :