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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

fini par se laisser aller au sommeil, accroupie sur les genoux, le corps ployé, la tôle branlante, son chapelet entourant ses poignets comme des menottes.

Sur la route, les fuyards se bousculèrent tout à coup.

On entendit des cris d’épouvante :

— Ils arrivent… Ils sont derrière nous… Les voilà !

Et les malheureux se mirent à fuir, beaucoup jetant leurs paquets pour courir plus vite.

L’alerte était fausse… Que de fois, depuis deux jours, on les avait annoncés, les Boches… Pourtant, ils n’étaient plus bien loin… On avait espéré que la bataille de Rethel-Novion-Launois-Domery-la-Fosse-à-l’Eau les arrêterait… Le combat fut victorieux, mais des ordres supérieurs obligèrent le général de Langle de Cary à poursuivre sa retraite…

Des soldats rassuraient les fugitifs :

— N’ayez pas peur… On les a battus… Ils n’arriveront pas jusqu’à Reims…

Et beaucoup de pauvres gens se donnèrent la ville comme terme de leur exode.

Barbarat secoua Jean-Louis :

— Hé, vieux !… Tu te crois dans ton moulin ?…

Jean-Louis ouvrit les yeux, puis les referma. Il se sentait mal à l’aise, le cœur chaviré, avec des nausées… Cependant il reprit connaissance tout de suite.

Il murmura d’une voix pâteuse :

— Qu’est-ce que tu m’as fait boire ? Je suis comme quand on a été gris…

Il se traîna hors de la voiture, se mit debout péniblement, les jambes vacillantes, eut un haut-le-cœur… et parce que le soleil était très chaud, il rejeta sa houppelande.

C’est alors seulement qu’il s’aperçut du désordre de sa toilette.

Il porta vivement les mains à sa poitrine.

Et il eut un cri de désespoir…