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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Rose, attentive, se penchait fréquemment sur la malade.

Ou bien elle lui prenait les mains et les retenait dans une longue pression.

Ou bien, hélas ! sans espoir, elle lui adressait de douces paroles, pendant que, à genoux sur les talons de ses sabots, Pulchérie essuyait des larmes incessantes qui coulaient dans les rigoles des rides de son visage tanné, et marmonnait en faisant glisser les grains noirs entre ses doigts déformés par les rudes besognes de la terre :

« Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous… »

Jusque vers Witry-lez-Reims, les pauvres émigrants se perdirent deux fois, séparés par l’innombrable foule, fleuve sans fin de fuyards qui coulait vers la grande ville comme vers le port du salut. Barbarat et Jean-Louis avaient été emportés en avant par une trombe. Et deux fois ils se retrouvèrent.

Depuis Rethel, Jean-Louis avait été encadré presque tout le temps par les deux Flamands conduisant leurs vaches.

Ils essayèrent même d’engager la conversation.

Mais le meunier, sombre, ne répondit que par des monosyllabes.

Ils s’efforcèrent de rendre de menus services.

Poussé par je ne sais quel instinct de défiance et d’antipathie, Jean-Louis les refusa.

Pourtant c’était de pauvres gens, comme lui, malheureux exilés, comme lui.

Il remarqua qu’ils évitaient de s’approcher du chariot où Rolande gisait, dans la stupeur de son insensibilité…

Une fois, seulement, ramené contre le barou par le remous des fugitifs, l’un des deux y avait jeté un regard rapide… Or, il arriva qu’à ce moment la jeune