Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Simon les examinait, non pas soupçonneux, mais plutôt avec compassion :

— Je crois vous avoir rencontrés, tous ces jours-ci, dit-il.

— Oui, mon lieutenant… nous avons suivi votre régiment tant que nous avons pu… Ça nous rassurait… et ça nous était facile… Vos pauvres chevaux exténués ne marchaient guère plus vite que nos vaches… Ah ! quel temps de malheur ! Quand ça finira-t-il ?

Les deux Flamands passèrent sur leurs yeux la manche de leurs blouses.

On entendit dans le lointain des rafales de coups de canon.

— Allons, au revoir, mon lieutenant… on se rencontrera peut-être encore.

Ils tapèrent sur les vaches qui reprirent leur marche lente et lourde,

— Entrons là une minute, fit Jean-Louis en désignant une auberge qui portait pour enseigne : « Estaminet de la Gare »… Puisque tu as un peu de liberté, nous tâcherons de boire un verre de bière, s’il en reste… Je meurs de soif…

Il ne restait plus de bière. On leur servit de l’eau avec du sirop de groseille…

Depuis quelques instants Simon était préoccupé… Il pensait au dépôt précieux qu’il emportait… qui était sur lui en si grand péril… L’auberge était pleine de paysans, criant, gesticulant, échangeant des nouvelles, demandant à manger et à boire. Il n’y avait plus de pain, ni de fromage, ni de poulet, ni de saucisson… Quelques pommes du fruitier seulement… Tous ces gens restaient debout, dans la fièvre de repartir… racontant ce qu’ils avaient vu, déjà… Tant d’horribles choses ! et les dangers auxquels ils avaient échappé… Des soldats se faufilaient dans les groupes, essayant de faire remplir leurs bidons avec du vin ou du cidre