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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

qu’elle est rieuse… mais je ne l’aurais pas soupçonnée d’être capable de montrer une pareille abnégation… surtout envers Rolande…

— Pourquoi, père, « surtout envers Rolande » ?

— Je m’entends, je m’entends… fit le meunier pensif.

— Mais moi, père, je ne comprends pas.

— C’est une idée qui m’est venue… comme ça… déjà depuis longtemps… l’idée que Rose-Lys a de l’amour pour toi…

— Cette enfant ?

— Cette enfant, comme tu dis, a presque l’âge de Rolande… Et elle t’aime, j’en mettrais ma main au feu… Or, elle n’a pas les yeux dans sa poche, la petite. Comme à Clairefontaine et aux Moulins tu passais tout ton temps avec Rolande, elle a dû en concevoir de la jalousie… Entre Clairefontaine et la ferme de Marengo il n’y avait pas grandes relations… Rolande et Rose-Lys se parlaient à peine, et ce n’était pas fierté du côté de Rolande — tu la connais — c’était rancune du côté de Rose-Lys… Rolande faisait des avances, Rose-Lys les dédaignait… Je m’en suis aperçu… Et puis le père Barbarat est un ami et j’ai reçu ses confidences…

— D’où viendrait, dès lors, son dévouement pour Rolande ?

— De son amour pour toi… Ne sursaute pas… Je ne suis pas un imbécile et la preuve, c’est que tu es mon fils et que je t’ai fait ce que tu es… Entre mes sacs de farine et au bruit des roues de mon moulin, j’ai réfléchi beaucoup dans ma vie, depuis le départ de ta défunte mère… Écoute bien ça, mon garçon… avec les femmes, il faut s’attendre à tout… aux pires des choses comme aux plus merveilleuses… et je te le répète… Par amour pour toi, et bien qu’elle sache que tu ne l’aimeras pas, cette enfant se consacre à la femme qui t’aime et que tu aimes. En se dévouant