Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

jusqu’au bout. Il était vêtu d’un uniforme fripé et sali, sur les manches duquel s’étalaient deux galons d’officier.

Pourtant, Rolande, qui traversait la cour, eut un coup au cœur et cria, en le reconnaissant de loin :

— Mon frère !…

Et elle courut à, lui, les bras tendus.

Norbert s’était arrêté. Elle tomba contre sa poitrine en sanglotant bruyamment. Lui, pleurait, silencieux… Ce n’était plus le soldat d’autrefois, orgueilleux et dur… Il était loin, le « fils de Louis XIV » !… Affaissé et tremblant, son regard était devenu suppliant et craintif… Des années de tortures étaient passées là…

— Je ne savais pas que je te retrouverais… Je t’avais laissée mourante…

— Et moi j’avais cru que tu étais mort !

— Je l’ai été… dit-il, pensif et hochant la tête… car c’était bien la mort que je subissais là-bas, chaque jour, au fond de mon cachot immonde…

Il appesantit son bras sur celui de Rolande et elle le guida vers la maison.

Ce fut ainsi qu’il rentra chez lui, délabré, ayant devant lui six mois de liberté pour se remettre, mais si faible qu’il n’espérait plus recouvrer jamais assez de vigueur pour reprendre sa place au régiment.

Dans les jours qui suivirent, ils s’ouvrirent leur cœur, échangèrent leurs confidences, renouèrent les chaînes de leur vie interrompue depuis août 1914.

Lui, de temps en temps, murmurait :

— J’ai un grand devoir à remplir…

Et comme elle ne lui posait pas de question, il ajouta une fois :

— J’ai accusé Simon d’un crime horrible…

Elle lui mit doucement la main sur la bouche, pour l’interrompre.

— Simon n’a jamais cessé de t’aimer…

— C’est une âme d’élite, si supérieure à moi…