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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

comment devinerait-il le nom de celle qu’il a tuée et dont le corps rigide est étendu là-bas dans l’humidité ?

Il cherche, pourtant, il cherche toujours…

Quoi ? Une indication… Un hasard… L’éblouissement de la vérité…

Et, tout à coup, il se dit :

— Pourquoi Isabelle n’est-elle pas là ?… Isabelle, tout à l’heure si heureuse !

Il s’informe, machinalement d’abord, puis avec plus de fièvre, au fur et à mesure qu’on lui répond partout :

— Nous ne savons pas…

Les domestiques, interrogés, ne peuvent rien dire.

Sturberg, les tempes serrées, la folie au cerveau, court à l’appartement de sa fille.

L’appartement est vide. Il appelle la femme de chambre. Il questionne.

— Tout à l’heure. Mademoiselle est venue… oui… en grande hâte… Elle a passé un caoutchouc et, sans mettre de chapeau, rabattant le capuchon, elle est partie sous la pluie, sans dire où elle allait…

Sturberg reste un instant comme foudroyé… Il a mal entendu ? Il fait répéter. Il bégaye… Sur son dur visage les yeux affolés roulent, dans une peur atroce… la bouche se contracte en un sourd gémissement.

La femme de chambre s’inquiète :

— Monsieur ! Monsieur !…

Mais il s’enfuit en criant :

— Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas vrai… Ce n’est pas vrai…

Il traverse les pelouses, descend vers la Seine…

Voici le quinconce des marronniers… sous lesquels gît la masse noire, bras en croix, étendue dans son carré de clarté lunaire…

Il se précipite sur ce corps, soulève la tête sanglante, la tourne vers la lumière… et de longs cheveux blonds, où le sang s’est coagulé, s’éparpillent sur