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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— C’est moi qu’il soupçonnera avant tout autre… Et s’il soupçonne également que j’ai conservé sur moi le document, je suis perdu…

Il n’hésita pas.

Il se glissa jusqu’à la chambre d’Isabelle. Il frappa. Elle entendit, car elle ne dormait pas. Mais, surprise ainsi en pleine nuit, elle n’osait répondre. Il insista. Alors, elle se leva, s’approcha de la porte, demanda :

— Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

Quand elle reconnut Nicky, elle passa rapidement une robe et ouvrit.

L’homme n’entra pas, resta sur le seuil.

Dans l’entre-bâillement de la porte il tendait le bras et la main offrait un étrange cadeau, une vulgaire pochette de cuir noir, carrée, se fermant avec un bouton de pression en cuivre. Elle la prit, sans un mot, car elle devinait. L’homme, alors, retira le bras, disparut, repoussa lui-même la porte et elle entendit les pas qui, en s’éloignant, faisaient crier le parquet.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Sturberg revint de Paris vers neuf heures du matin.

Il rapportait la nouvelle que l’armistice était signé, sur le front, depuis six heures cinquante minutes.

Il manifestait une grande joie.

Sur son ordre, et avant même de rentrer à l’Helvetia, les travaux de fabrication furent interrompus à l’usine, les ouvriers eurent congé… la sirène d’appel, qui tant de fois avait donné l’alarme, roula ses vibrations qui, malgré l’allégresse, gardaient je ne sais quel sens macabre… comme une note funèbre parmi l’ivresse et l’exaltation qui éclataient dans tous les cœurs.

Enfin Sturberg donna ses instructions pour que, dans la soirée même, une fête fût improvisée au château en l’honneur de la victoire formidable et de la paix enfin conquise.