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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

tèrent si tristes, il recherchait si visiblement la solitude qu’aucun de ceux qui étaient ses camarades d’hôpital ne fut tenté de pénétrer dans son intimité.

C’est qu’en effet le jeune homme était en proie à une insurmontable tristesse. Tous les deuils, toutes les souffrances, les fatigues, les joies de vaincre ou les désespoirs d’être vaincu, toutes ces angoisses de guerre n’avaient pas fait pâlir la douce lumière qui luisait dans son cœur et la figure de Rolande vivait en lui rayonnante.

Où était-elle ? Qu’était-elle devenue ? Avait-elle survécu ?


La première lettre — rayon fugitif dans l’atroce huit de leur séparation — n’avait été suivie — il le croyait — d’aucune autre.

Dès lors quelle révélation funèbre lui apporterait la fin de cette guerre, que maintenant l’on disait toute proche ? Autour de lui, les autres devinaient une peine mystérieuse et on respecta sa solitude et son silence.

Il avait pris pour un dévouement banal, qui s’adressait à tous en égale part, les soins empressés qu’il recevait de la jolie infirmière.

Il était si loin de toute pensée d’amour qu’il ne pouvait concevoir que pareille pensée pourrait venir à une autre.

Elle était si attentive et si douce, si prévenante et si intelligente à obéir à toutes les délicates prescriptions du médecin, que parfois, avec un sourire triste, il la remerciait simplement en lui disant :

— Comme vous êtes bonne !…

Toute blonde et toute vaporeuse dans ses blancs vêtements, avec ses yeux d’un bleu céleste, son élégance rare, elle était vraiment une apparition jolie et consolante, frôlant ces lits où tant de braves gens soufflaient le martyre. Elle s’exprimait très purement en français, ayant été élevée à Vienne dans une pension tenue par des dames françaises. Un très