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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

sa tête contre ses mains, pris tout à coup de vertige, pendant que Rameau, alarmé, disait :

— On vous annonce un malheur mon commandant ?

— Non, non… Ne me parle plus !… laisse-moi !…

Il essaya de lire, mais ses yeux étaient brouillés par les larmes.

Et il répétait tout bas :

— Vivante ! Est-ce possible, mon Dieu !…

Lettre pleine de passion et de douleur, et aussi d’espérance…

« Je t’écris du fond de notre prison, car nous sommes emprisonnées dans ce coin de France, au milieu des soldats allemands, nos geôliers… Je t’écris au hasard, en profitant d’un dévouement qui s’offre à moi et qui, au péril de mort, se charge de cette lettre… Je t’écris sans savoir, hélas ! si ma lettre te parviendra jamais… Si elle te parvient, ami chéri, qu’elle t’apporte du moins le souvenir de ta tendre Rolande, car ta pensée est la seule chose qui me soutienne parmi nos souffrances, nos misères et les brutalités dont nous sommes chaque jour victimes… Où es-tu ?… As-tu été blessé ?… Je n’ose penser, je refuse de croire que tu es mort… Que cette feuille légère que j’écris la nuit, dans mon lit, sur lequel il pleut, pendant que Rose-Lys fait le guet pour que nous ne soyons pas surprises, que cette feuille que je couvre de baisers t’apporte mon cœur fidèle… J’ai recouvré ma raison… Je suis guérie… Les jours anéantis que j’ai passés depuis que je t’ai serré pour la dernière fois dans mes bras, le soir de Clairefontaine, ne sont plus qu’un mauvais souvenir qui s’efface… Je t’aime… »

Durant des pages et des pages, elle contait ensuite ce qui leur était arrivé à toutes deux, et le meurtre de Jean-Louis, et le meurtre de Barbarat…