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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Il y a une lettre pour vous, mon commandant.

En ajoutant ce correctif singulier :

— À moins qu’elle ne soit pour un autre.

Simon regarda les lettres à demi effacées et la reposa sur la planche.

Et la pensée que Rolande pouvait lui écrire ne retint même pas son attention.

Rolande ! Hélas ! Il la croyait morte… Ne l’avait-il pas laissée dans cet état étrange, profond, de torpeur, dont ni larmes, ni supplications ne l’avaient tirée ?

Et les médecins, découragés, n’avaient-ils pas perdu tout espoir ?

L’ordonnance n’était à son service que depuis un mois. Et le soldat, retour la veille de permission, avait conté à deux copains, à la gare de l’Est, en prenant le train, l’aventure qui l’avait rapproché de son officier.

Un dragon venait de demander à Rameau, montrant sa croix de guerre :

— Et toi, vieux, comment que tu l’as obtenue, ta citation ?

— Laquelle ? J’en ai trois.

— La première. N’y a que celle-là qui compte. Les autres, après, ça vient tout seul.

— C’est bien simple. Je l’ai obtenue sans le faire exprès. C’était dans ce sacré chien de pays, de boue et d’eau, du Nord, tu sais ? à Saint-Georges ?

— Pire que celui d’ici… J’en ai encore les pieds gelés.

— On faisait une attaque et on venait de sortir des tranchées… Les mitrailleuses et les obus rappliquaient, comme de juste… Et voilà-t-il pas que j’aperçois, dans la boue, un bonhomme qui était noir de la tête aux pieds, et qui avait l’air de se défiler en laissant les camaros passer en avant… La frousse, vous savez ?

— Oui…