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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

quatre années, aussi complètement que par la mort ?

La guerre a été fertile en douleurs pareilles et bien des existences ont été bouleversées sans pitié par des catastrophes toujours en marche.

Un jour, nous l’avons dit, alors que les jeunes filles étaient encore au village de Clairefontaine, Rolande avait réussi, grâce au dévouement d’un réfugié belge qui regagnait Bruxelles et qui gardait des relations secrètes avec des gens de la frontière hollandaise, à faire passer une lettre en France, à l’adresse de Simon Levaillant.

Où était-il ? Elle n’en savait rien. Elle s’était contentée de mettre, avec le grade et le nom de Levaillant, le numéro de son régiment. Et elle avait abandonné le souvenir tendre, venu de la région occupée, à la grâce de Dieu et aux aventures du hasard.

Et la lettre, pourtant, avait fini par arriver au but, sur les lignes de Tahure.

Ce fut un soir de l’hiver 1917 que Simon la trouva sur la planchette qui lui servait de table, en rentrant dans sa cagna, au front de Champagne.

Depuis huit jours il pleuvait sans arrêt. Les plaines, creusées de tranchées sur une profondeur de cinq kilomètres, n’étaient plus qu’un immense champ de boue blanchâtre, dans laquelle on enfonçait jusqu’aux genoux. Le mauvais temps était peu propice aux attaques, de part et d’autre, et sauf quelques coups de fusils, sauf un roulement de mitrailleuse, ou de loin en loin l’éclatement d’un obus, qui prouvait de chaque côté que l’on se surveillait, le secteur était tranquille.

La lettre était passée par tant de mains, dans les Ardennes, en Belgique, en Hollande, dans les postes françaises, que souillée, salie, elle ne laissait plus voir sur son enveloppe, du reste intacte, qu’un semblant d’adresse, où l’on reconnaissait avec peine le nom de Simon Levaillant.

Son ordonnance, Rameau, venait de lui dire :