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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

ce Paris où il est si facile de disparaître… Et partout nous trouverons aisément à nous employer…

Rolande resta longtemps sans répondre, assise, les coudes sur les genoux et la tête dans ses mains.

— Jamais je n’ai été aussi près de la mort, dit-elle. Et pourtant, je reste… Oh ! je lis dans leur pensée… Maintenant qu’ils sont redevenus maîtres du redoutable document qui prouve l’infamie et la préméditation de leurs souverains, n’est-il pas naturel qu’ils songent à faire disparaître celle qui possédait leur secret… Et pourtant, je reste…

— Ce Sturberg, ce Nicky Lariss, si nous les dénoncions ?

— Leurs précautions sont trop bien prises… Qui nous croirait ?… Qui songerait à accuser Schwartz qui, pour arriver au triomphe, où il exulte en ce moment, a travaillé depuis quatre années à la défense nationale française ? Schwartz, un ennemi ?… Quelles preuves donnerions-nous ? Sans preuves, à qui m’adresser ? A qui raconter la tragique histoire à laquelle ils faisaient allusion sans doute tout à l’heure en prononçant ce nom odieux de Godollo ? Ne pouvons-nous pas être certaines que, depuis quatre années que ce Schwartz travaille chez nous et s’enrichit, il a dû étayer sa personnalité nouvelle de tant de matériaux prudemment entassés que ce serait faire rire de nous, et nous faire soupçonner peut-être, que de porter contre lui une pareille accusation ?…

Elle reprit, après un silence :

— Les papiers qu’il m’a volés sont ici… Il n’a pas dû s’en séparer encore… Ici, Rose-Lys, ici… comprends-tu ?… près de nous !… à portée de ma main, sous nos yeux presque… dis, tu comprends ?… Oui, je joue ma vie, mais je reste… Ils ont prononcé jadis contre moi un arrêt de mort… Voici près de cinq ans que la lutte est sans merci entre eux et moi… Et à la dernière minute, quand peut-être l’heure de la jus-