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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Mais les cheveux drus, épais, y étaient soigneusement amenés. Rien n’y était visible.

Il lui sembla toutefois — était-ce pas une surexcitation de son trouble extrême ? — que Schwartz n’avait pas toujours le même son de voix. Il affectait de parler d’une voix forte, qui était plutôt grave, et souvent des membres de phrases lui échappaient, sur un ton plus aigu…

Et cette voix, la seconde, soulevait en elle tout un monde de terreurs.

Elle l’avait entendue à Medgyar…

Elle l’avait entendue, après l’accident d’auto, quand l’un disait à l’autre :

— Si nous l’achevions ?

Elle l’avait entendue dans la carriole du voiturier Bertrand, sur la route de Rethel à Clairefontaine.

Et, sans cesse, dans tous ses cauchemars, elle l’avait entendue.

Rose-Lys contemplait Schwartz d’un regard non moins ardent.

Elle aussi l’avait entendue, cette voix… en quelles heures tragiques !… Et la silhouette d’un des deux Flamands, poussant ses vaches, lui revenait à la mémoire.

Indifférent et monotone, Schwartz achevait ses recommandations.

Après quoi il se leva pour leur donner congé.

Il leur laissait la liberté de la matinée pour s’installer.

Il prit la peine de les reconduire jusqu’à la porte, avec un sourire poli :

— Du reste, dit-il sur le seuil, je vous présenterai à ma fille Isabelle, qui sera pour vous une compagne et vous rendra mille petits services.

Il salua, referma, et elles se trouvèrent seules dans un large hall somptueux, ouvert, d’un côté, sur les pe-