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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Le soir, elles confièrent à Noèmie la garde de leur chambre et de leur petit mobilier, et le lendemain, par le premier train du matin elles s’embarquaient pour Corbeil, emportant le linge et les vêtements qui leur étaient nécessaires.

Tout le temps du voyage, Rolande resta silencieuse.

En vain Rose-Lys demandait :

— Tu n’as rien ? Tu ne souffres pas ? Que crains-tu ?

À Corbeil, une auto les prit à la gare et les emporta vers l’Helvetia, bâti sur les coteaux de la Seine. Le paysage se déroulait sur les deux rives du fleuve, à travers les bois, les prairies, les jardins et les parcs. Le château était fastueux et cossu. De larges pelouses d’un vert foncé, rafraîchies, durant la sécheresse estivale par des tuyaux d’arrosage, dégringolaient vers la Seine, parmi des massifs de fleurs éclatantes. L’été vivait encore là, bien qu’on fût en plein automne, et rien n’y trahissait la négligence, le laisser-aller ou l’oubli, maigre les tristes et graves préoccupations de la guerre. Ce jour-là, dans un ciel très légèrement voilé, le doux soleil d’octobre luisait. Et, tous les matins, les communiqués de la grande bataille qui se livrait depuis le 18 juillet apportaient des nouvelles de victoires.

Elles furent introduites par un valet de chambre très correct et qui était un mutilé de la guerre, dans le bureau de Schwartz.

Schwartz, absent, les fit attendre un quart d’heure.

Autour d’elles, rien ne justifiait leurs soupçons intimes. Ameublement d’un bureau style Empire, sobre, avec quelques objets de luxe, deux bronzes de chez Siot, deux tableaux de paysages suisses, neige et solitude, des souvenirs de guerre, et c’était tout.

Sur le bureau, des lettres ouvertes, des papiers épars, laissés à l’abandon, sous l’œil indiscret de quiconque voulait les regarder, semblaient dire ;