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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

les uns pour toujours immobiles, les autres tordus dans la rage et la souffrance, marquent, autour d’un trou noirci, la place où l’obus a éclaté. Les dragons passent. Simon regarde ses hommes. Ils sont calmes, avec une flamme de colère dans les yeux. Dans un ravin, à deux cents mètres du bois, ils descendent de cheval… laissent deux hommes à la garde, et à pied, en rampant dans les blés qui n’ont pas été coupés, et que la pluie violente a couchés, ils essayent de gagner sous le couvert… Là-bas, à dix kilomètres, on dirait qu’on a deviné leur audace… Il faut bien cela, car aucun avion ne les survole et ils n’ont pu être repérés… Or, les canons allemands fouillent la forêt du nord au sud, de l’est à l’ouest… Les arbres frémissent et le sol tremble… Mais le commandant de chasseurs s’est trompé… Jusqu’à présent les Boches ne sont pas venus… Ils s’assurent, eux-mêmes, en la couvrant de projectiles, que les Français n’y sont pas retranchés…

Simon donne l’ordre à ses hommes de retourner au ravin… Il veut savoir où est l’ennemi… Il achèvera seul la reconnaissance…

— Mon lieutenant, dit le brigadier, voulez-vous de moi ?… Pourquoi vous hasarder seul ?

— Vous voyez bien, Lafosse, qu’il n’y a pas de danger… en dehors des obus… et moins nous serons nombreux, moins il y aura de casse…

Lafosse n’a pas l’air convaincu… Mais Simon coupe court en disant :

— Je te recommande mon cheval… Va m’attendre à la ferme de Saint-Léger… avec tes hommes… Et de la prudence… Aujourd’hui, il est inutile de se faire tuer.

Déjà Simon a disparu au détour d’un sentier… Au-dessus de lui, les branches sont déchiquetées par les projectiles, les feuilles s’abattent en nuages voltigeants, des arbres coupés net dégringolent avec des