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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

drait autour d’elle !… Car Noémie, cette pauvresse, avait elle-même ses pauvres ! Elle avait besoin pour vivre de la charité des autres… Mais elle avait besoin, aussi, d’être charitable… Elle rognait sur sa part de pain, sur sa part de sucre, sur sa part de charbon… Voilà pour ses semblables… Et ce n’était pas tout… Il y avait les bêtes… Elle changerait le panier de Grisette, qui commençait bien un peu à se disloquer… Grisette serait logée somptueusement et ce serait dans de la soie ou sur du velours qu’elle pourrait faire la toilette de ses oreilles où fourrer sa langue râpeuse, en fermant les yeux, dans la douce fourrure de son ventre blanc… Enfin, Noémie ne s’opposerait plus, comme elle l’avait fait par crainte d’une multiplication exagérée, aux sentiments maternels de la chatte. Elle les favoriserait plutôt… Avec dix mille francs de rente, on peut se permettre bien des choses !… Et voilà ce qu’elle se racontait tout bas… dans un rêve… Sturberg lui frappa sur l’épaule :

— C’est entendu… J’envoie mon ami chercher les cent mille… et vous me donnez la pochette ?

Du rêve, Noémie retombait dans la réalité.

— J’accepterais bien, dit-elle, mais je n’ai rien à vous donner en échange.

Le poing de Sturberg se leva et retomba brutalement. La vieille jeta un cri de douleur.

— Tu te moques de nous… c’est bien… Et, comme je n’ai pas de temps à perdre…

Il fit un signe à Nicky Lariss :

— Hâte-toi !

Alors, dans la chambre si propre, si ordonnée, où il y avait une place pour chaque chose, et où chaque chose était à sa place, ce fut un remue-ménage pitoyable que la miséreuse, témoin impuissant, regardait avec une indignation prête aux larmes.

Tout fut mis sens dessus dessous.

Le linge déplié.