Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Ils partent, la pluie tombe un peu moins fort… le vent augmente… On a bon espoir que tout à l’heure les nuages se dissiperont et qu’on verra le bleu du ciel.

La grosse artillerie allemande hâte notre retraite, envoyant ses projectiles de plus de dix kilomètres. Nous n’avons rien pour lui répondre. Les dragons suivent un chemin encaissé où ils réussissent à se défiler entre deux haies. Encore des cadavres. Du reste, de temps en temps, un obus vient fouiller le sol, près d’eux et, sur leur gauche Robemont flambe, l’incendie activé par les rafales. La pluie cesse. À Meix, un bataillon de chasseurs est retranché. Le chef de bataillon dit à Norbert :

— Les Boches doivent être dans le bois… Inutile d’y aller…

— Nous avons des ordres… Nous devons rapporter le renseignement… Êtes-vous sûr ?

— Non… Jusqu’à présent le bois a été tranquille…

— En ce cas, nous allons voir…

— Alors, bonne chance, camarade.

— Merci, mon commandant.

Norbert a divisé son détachement. Une section, sous les ordres de Simon, pénétrera dans la forêt par les chemins de Bleid, Horchenet et Habergy… pendant que Norbert, avec l’autre, passera par la route de Gérouville… Ils parcourront ainsi l’est et l’ouest du bois et se donnent rendez-vous à la ferme de Saint-Léger, leur mission terminée. Les deux officiers se disent adieu, d’un léger signe de tête, sans un mot… Les détachements partent au trot. Dans la traversée de Bleid, c’est l’encombrement des fuyards, paysans et soldats. Puis, tout à coup, un obus, dans la grande et unique rue du village, tombe en pleine cohue, fait son carnage parmi les hurlements et les imprécations, et des débris humains plaqués contre les murs, et des corps étendus en travers de la route,