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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Des cyclistes apportent des instructions. Le régiment protégera la retraite. Il faut, coûte que coûte, couper le défilé interminable. On y parvient. La pluie tombe toujours et un brouillard s’est étendu sur la campagne. Tous les pièges y peuvent être tendus… Le brouillard est si épais que la nuit serait moins traîtresse… on rencontre des soldats débandés, n’en pouvant plus, qui dorment au long des fossés, si blêmes, si jaunes qu’on les dirait morts. Puis, le vent qui se lève déchire par morceaux la brume qui se disloque, sans qu’il cesse de pleuvoir et par-ci, par-là, dans la plaine, des cadavres… Ce sont des Français… Pas des Boches… Les canons lointains ont fait ici leur besogne… De temps en temps, un obus, mais c’est un tir de hasard… Dans le ciel, du reste, aucun avion… On est vraiment dans la zone de guerre. L’escadron fait halte dans un ravin encaissé où coule un filet d’eau qui, à deux kilomètres de là, va se perdre dans la Meuse. L’eau qui coule est rose… Au-dessus, des chevaux sont éventrés… Il y a aussi des cadavres d’hommes… Ce sont des hussards… Encore les obus… Les dragons veulent faire boire leurs montures… Elles refusent… La pluie redouble de violence… Et voici, de nouveau, la retraite des troupes, infanterie, chasseurs, artilleurs, tous mélangés, et parmi eux les paysans qui ont abandonné les villages… C’est la cohue lente, silencieuse, lamentable, tant de fois décrite et que nous ne décrirons pas…

Là-haut, un long coteau couvert de bois ferme l’horizon d’un rideau impénétrable.

Que se passe-t-il derrière ce rideau ? Là est l’ennemi sans doute, qui va essayer de déboucher sur notre droite pour prendre en flanc les fuyards.

Une reconnaissance est nécessaire.

Le détachement se forme, sous la commandement de Norbert.

Simon est sous ses ordres.