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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

l’était sur moi, jusqu’au jour où Rolande, si elle revient à la raison et à la vie, vous donnera elle-même ses ordres…

Norbert fut longtemps sans répondre.

Il paraissait indécis et surpris.

— Quels sont ces papiers et en quoi intéressent-ils Rolande ?

— II m’est impossible de vous le dire.

— Mais je cours les mêmes dangers que vous…

— À la grâce de Dieu… Je serai du moins tranquille si j’ai votre promesse…

— Je vous la donne…

— Merci.

Il n’y eut rien de plus entre eux. Ils furent longtemps avant de céder au sommeil. Chacun se rendait compte que l’autre ne dormait pas. Enfin, la fatigue l’emporta.

Le jour n’était pas encore venu, lorsque le régiment repartit.

Avant d’arriver sur la Meuse, il reçut de nouveaux ordres, changea de direction, fut même renvoyé à l’arrière, puis relancé en avant. Des jours s’écoulèrent. Des bruits mauvais circulaient. Pourtant, vers la Belgique, les canons faisaient entendre leurs voix. On se battait par là avec fureur. Puis, un matin, de nouveau, ce fut l’ordre de marcher. Et en avant de Dun-sur-Meuse, le régiment défila sous la pluie. Au croisement de la route de Virton, un arrêt brusque. On ne peut plus avancer. Les dragons viennent de se heurter tout à coup à un effarant, à un interminable convoi : voitures de réquisition, chariots de culture, autos, carrioles, et des camions dévalent sous la pluie. Et partout des blessés. Et des soldats en désordre, qui ont perdu leurs unités… Les officiers s’approchent, interrogent, pris d’un pressentiment de malheur… Et le sinistre mot circule enfin :

— On bat en retraite !