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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

se jeta à bas du lit, ouvrit précipitamment et regarda. Elle eut le temps d’apercevoir une ombre qui s’enfuyait… Donc, elles ne s’étaient pas trompées… Un espion était là… Pourquoi ? Simple curiosité ? Ou bien, intérêt mystérieux à les surveiller ?…

Noémie resta invisible pendant la première semaine.

Tous leurs efforts, toutes leurs avances furent inutiles… Une fois, elles la rencontrèrent chez la concierge et voulurent lui parler… La vieille les enveloppa de son regard défiant et ne leur répondit pas. Il était évident qu’elle s’inquiétait de voir ces jeunes filles auprès d’elle.

Comment forcer cette porte hermétiquement close ?

Mais lentement, jour par jour, détails par détails, elles apprenaient quelle était la vie de la pauvre femme.

On a écrit déjà l’histoire des nouveaux riches de cette guerre, de leur surprise, de leur orgueil, de leur infatuation et surtout de leurs ridicules.

On écrira l’histoire des nouveaux pauvres, réduits de l’aisance large et luxueuse à la gêne la plus étroite, presque à la misère, par ces cinq années pendant lesquelles, si des fortunes s’édifièrent, d’autres sombrèrent, plus nombreuses.

— Nous voulons, en quelques pages, montrer comment vécurent les pauvres, dont la vie était un problème avant la guerre, et devint un miracle durant cette détresse. Et toute la pitié des humbles qui s’entr’aidaient, et leur solidarité devant le malheur, la communauté de ces petits intérêts dont chacun avait sa part et à laquelle chacun apportait la réserve de charité spontanée et brusquement cordiale qui est si particulière au peuple de Paris. Monographie d’une vieille femme vivant des secours officiels et de quelques dons particuliers et qui pourrait être la biographie de milliers d’autres pauvresses résignées, essayant de vivre et tous les jours faisant des prodiges