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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

tait à tour de rôle du vin, du pain, du gruyère ou du saucisson et on lunchait sur les tonneaux… Cette nuit, l’alerte était sérieuse. Le tir de barrage n’avait pu empêcher les avions boches de passer. À travers les roulements secs des 105 et des 75, on percevait nettement, sinistres, les formidables détonations des bombes et chacun, à part, communiant dans la même colère et la même crainte, sentait le frisson de tout un peuple réfugié sous terre, pour échapper à la mort odieuse qui, lâchement, tombait du ciel… La berloque sonna vers minuit… Elles allèrent se coucher. À peine étaient-elles au lit qu’on entendit de nouveau la sirène… Seconde alerte… Et, cette fois, il y en eut pour jusqu’à deux heures du matin…

Heureusement, le lendemain était un dimanche.

On pourrait se rattraper au lit et faire la grasse matinée.

Mais, énervées, elles ne purent s’endormir et se levèrent de bonne heure.

À sept heures et demie, une détonation, toute proche, retentit.

Elles n’avaient pas peur. Elles en avaient vu bien d’autres. Et, pourtant, leur cœur se serra. La banlieue, comme Paris, sous la menace lointaine, allait à ses affaires et rien n’était changé, mais on ne se sentait plus libre et un fardeau qui gênait pesait sur les crânes.

C’était la grosse Bertha qui recommençait son bombardement quotidien.

À neuf heures, comme le temps était beau, elles montèrent à pied vers Paris.

De temps en temps, poursuivant son idée fixe, Rolande s’arrêtait et disait :

— Mon Dieu ! pourvu qu’elle n’ait rien perdu, ou qu’on ne le lui ait pas volé !…

Et Rose-Lys la rassurait :

— Moi, je la connais mieux que toi… C’est une