Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

avait toujours en sa possession le précieux dépôt qui lui avait été confié… Autrement, Pulchérie serait morte !…

Elles se couchèrent de bonne heure, la journée finie, La soirée était belle. Le ciel était pur. À peine quelques flocons blancs de nuages qu’un vent d’est léger poussait et dispersait, et vers dix heures, la lune se leva. C’était l’époque sinistre où, quand Paris s’endormait par ces soirées paisibles, Paris ne manquait pas de se dire :

— Une belle nuit pour les Gothas !…

Et du reste, pendant toute cette journée, de sept heures du matin jusqu’à trois heures de l’après-midi, à la cadence fameuse de ses vingt minutes, la grosse Bertha avait bombardé la banlieue de Paris.

Rose-Lys ferma les persiennes de la chambrette en regardant le bleu du ciel.

Et comme tout le monde — ainsi qu’il était juste — elle fit la réflexion :

— Une belle nuit pour qu’ils viennent !  !

Elles n’eurent pas le temps de s’endormir… Déjà, « lies s’engourdissaient lorsqu’elles crurent entendre le lointain signal d’un premier coup de canon… Elles se dressèrent, prêtèrent l’oreille…

— C’est une porte qu’on ferme dans l’impasse, dit Rolande.

Mais voici un deuxième coup… voici un troisième…

Et les hurlements de la sirène déchirèrent lamentablement les ténèbres de la ville.

— Allons, dit Rose-Lys, en sautant du lit, pendant que Rolande se rhabillait, ce ne sera pas encore aujourd’hui qu’on dormira tranquilles…

Elles descendirent à la cave, emportant deux chaises et une couverture. C’était un abri pour une trentaine de personnes. On avait fini par se connaître et on fraternisait. Même, ces derniers temps, comme les alertes devenaient plus fréquentes, chacun appor-