Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Un matin une lettre leur arriva, adressée à Rolande de Chambry.

C’était un événement pour elles.

Elles ne connaissaient personne et jamais personne ne leur écrivait…

Ce fut presque en tremblant que Rolande décacheta :

« Mademoiselle, puisque vous aviez laissé votre adresse au journal, ne soyez pas surprise si je vous écris directement, au lieu de vous répondre par la voie de la presse… Je suis heureux de pouvoir vous apprendre que Mlle Pulchérie Boitel, à laquelle vous vous intéressez, demeure 130 ter, avenue de Saint-Ouen, dans la même maison que sa sœur Noémie, où elle a trouvé un refuge en arrivant de Reims… J’ai l’honneur de vous saluer… »

On pouvait considérer la lettre comme anonyme, car elle n’était signée que par l’hiéroglyphe d’un simple paraphe où ne se manifestait aucun semblant de nom.

— Enfin ! dirent-elles ensemble, toutes joyeuses.

C’était un samedi et le lendemain elles seraient libres. Elles résolurent de ne pas attendre davantage. Dès le dimanche, dans la matinée, elles accouraient avenue de Saint-Ouen.

Et toute cette journée, elles travaillèrent dans la fièvre.

Comme elles étaient voisines d’atelier, de temps en temps elles échangeaient un mot, à voix basse, ou même seulement un sourire, et ce mot ou ce sourire signifiait bien des choses. La découverte de Pulchérie, c’était le chaînon qui reliait leur existence d’aujourd’hui avec celle d’autrefois. Pour Rolande, c’était quelque chose de plus… Pulchérie, à n’en pas douter,