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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Et ils font quelques pas, lentement, vers l’ombre de grands arbres, elle toute rose, les yeux brillants, heureuse… lui, pensif et triste…

Sturberg disait :

— Tu me faisais prévoir des confidences… Y as-tu renoncé ?

— Non. Écoute… Du reste, ce ne seront point des confidences, car déjà, j’en suis sûr, tu te doutes… Oui, oui, tu sais que je l’aime, n’est-ce pas ?

— Qui donc, s’il te plaît ? fit Sturberg, en affectant un air surpris.

— Isabelle !…

— À vrai dire, tu ne te trompais pas, je m’en doutais… Mais que tu l’aimes, ou que tu ne l’aimes pas, quel intérêt cela peut-il avoir et pour elle et pour moi ?… Tu ne supposes pas que mes ambitions ne sont pas plus hautes et que je prêterai les mains à ce mariage ?… Car je te vois venir, et tu vas, n’est-ce pas, me demander…

— Sturberg, je suis ton ami et ton complice… Tu me méprises donc bien ?…

— Rassure-toi… Je ne te méprise pas plus que je ne me méprise moi-même… Nous ne valons pas cher, ni l’un ni l’autre… Es-tu content de cet aveu de nos mérites ? Il y a pourtant entre toi et moi une différence et cette différence vient justement de ma fille… Elle est si belle, et si innocente, si digne de tous les bonheurs, qu’elle semble un rayon vivifiant dans ma vie et que sa pureté et sa beauté effacent un peu l’infamie de ma condition… Je suis plein d’orgueil quand je la regarde… Et tu voudrais que…

Il se mit à rire, les épaules secouées.

— Entre toi et moi, dit Nicky, il n’y a pas que cette différence…

— Dis-moi tout ce que tu penses…

— Il y a la fortune… Ah ! tu as bien mené ta barque et tu es devenu riche… tandis que moi…