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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

décoiffée, dans un geste nerveux, et toute cette forêt fine et parfumée s’était éparpillée sur les épaules de la jeune fille.

Qui donc aurait soupçonné ce Schwartz, si vivant et si charitable ?

Et cette fille si jolie, qui faisait rêver, dans leur lit, les pauvres blessés de la guerre ?

Au moment où nous entrons dans le cabinet de travail de Sturberg, Isabelle s’y trouvait, et se préparait à sortir.

Elle embrassa son père sur le front.

Elle ne prit point garde à Nicky Lariss.

Et quand elle ne fut plus là, elle sembla y être encore, car ils se tinrent silencieux, Sturberg, le regard fixé sur la porte par où elle venait de disparaître, comme pour la suivre plus longtemps, et Nicky Lariss, au contraire, fermant les yeux comme pour conserver par devers lui, plus animée, l’image qui s’éloignait.

Tous deux l’aimaient…

Le père, d’une adoration muette qui faisait de lui l’esclave de cette enfant…

Nicky, d’une sombre et violente passion qui, depuis longtemps, s’amassait dans son cœur, et qu’il n’avait pas osé avouer à son complice… non, pas encore…

Mais qu’Isabelle connaissait, car un soir, dans un salon désert du château, emporté dans un coup de folie, il l’avait saisie dans ses bras, comme elle passait, légère et rieuse… il l’avait retenue contre sa poitrine… il l’avait couverte de baisers, avant qu’elle pût songer à se défendre… ni faire un geste, ni jeter un cri d’appel… et sa voix, étouffée et balbutiante, avait redit vingt fois :

— Je t’aime ! Je t’aime ! Je t’aime !  !

Avant ce soir-là, Isabelle parfois souriait à Nicky, lui parlait, et même lui tendait la main, quand elle le rencontrait, comme à un ami de son père.