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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Et, deux ans environ après la bataille de la Marne, il avait amené en France une jeune fille, Isabelle, qui était sa fille, délicieuse blonde aux yeux bleus, élégante, timide et simple, qui avait pris la direction de l’hôpital et l’administrait avec la plus vive intelligence.

Qui donc eût été mis en défiance envers cet homme dont le travail et le zèle s’encadraient si bien dans l’effort de tous les Français ? Un Boche ! ce Schwartz gai et bon garçon, le cœur sur la main, qui participait à toutes les œuvres charitables fondées en vue de soulager les mutilés, les veuves, les filles, les orphelins, toutes les victimes de la guerre longue, interminable, atroce. Un Boche ! ce Suisse qui avait donné à son hôpital le nom même de sa patrie : l’Helvetia !… et qui, déjà très riche avant la guerre, grand manieur d’argent, abandonnait à l’État, par rétrocession, les trois quarts de ses bénéfices !

Une fille de Boche ! cette adorable Isabelle aux regards candides, dont le dévouement aux blessés et aux malades de l’Helvetia ne se démentait jamais ? Car elle ne se contentait pas de l’administration des services, elle prodiguait ses soins avec une délicatesse, une science médicale auxquelles les infirmières françaises étaient les premières à rendre hommage, sans cesse au chevet des soldats, de lit en lit, de chambre en chambre, attentive et prévenante, les bras chargés de cent petits cadeaux précieux.

Et elle était si jolie, avec sa longue taille fine, cambrée, qui semblait frêle et qu’on devinait robuste ; le bleu clair de ses yeux larges, ses lèvres sanglantes ouvertes toujours sur un sourire au ras duquel étincelait l’humidité de dents blanches, et cette forêt de cheveux blond fauve, si drus, si épais, presque rebelles, et dont on se racontait, de lit en lit, qu’ils lui tombaient en fauve toison plus bas que la ceinture, car un jour, un soldat, en crise d’épilepsie, l’avait