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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

aux lèvres minces… tête de bête nocturne de rapine, astucieuse et féroce.

L’autre, solide, puissant, râblé, visage sanguin et l’œil implacable…

Si bien grimés tous les deux, l’un ayant coupé sa barbe rousse et teint ses cheveux, l’autre ayant, au contraire, laissé pousser sa barbe, qu’il était impossible de reconnaître sûrement les deux hommes qui, venus de Medgyar, s’attachaient à la vie de Rolande de Chambry comme une menace perpétuelle de mort.

Ah ! s’ils avaient pu rendre méconnaissable leur regard comme ils avaient rendu méconnaissable le reste !

Nicky Lariss et Sturberg…

L’un, Sturberg, toujours le maître, l’autre, rancunier et haineux, le serviteur.

Comment, par quelle suite d’imprudences confiantes, par quelle suite de ruses et d’audaces, de recommandations et de faux papiers, de références devant lesquelles il n’y avait qu’à s’incliner, comment l’un de ces deux hommes, Sturberg, policier à la solde des intrigues criminelles de la cour de Vienne, avait-il pu réussir, en pleine guerre, à se créer la situation industrielle qui attirait sur lui l’attention publique ?

Or, cet ennemi, qui poursuivait un but caché, — la conquête du formidable instrument de scandale diplomatique dont la révélation devait avoir un retentissement mondial, — cette bête féroce lâchée en liberté contre une frêle enfant sans défense, ce Sturberg travaillait pour la France, pour son armée, pour son aviation, et travaillait sans que le contrôle militaire trouvât jamais l’occasion de refuser son travail, ni même de lui adresser des observations…

Il avait, en outre, afin que nul soupçon ne pût l’atteindre, — au contraire, afin d’obliger le monde à chanter sa bienfaisance, — il avait fondé un hôpital temporaire dans une aile du château où il avait aménagé une cinquantaine de lits.