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DU FONDEMENT DE L’INDUCTION 9

qui déterminent aujourd’hui la production d’un phénomène la détermineront encore demain, les prévisions fondées sur une connaissance imparfaite de ces conditions ne seraient pas même probables. Royer-Collard est plus heureux lorsqu’il fonde l’induction sur deux jugements dont l’un énonce la stabilité et l’autre, la généralité des lois qui gouvernent l’univers : mais, à peine a-t-il posé ce double principe, qu’il le compromet, ou plutôt le détruit par l’étrange commentaire qu’il y ajoute. Selon lui, en effet, ces deux jugements ne sont ni nécessaires ni évidents par eux-mêmes : la stabilité et la généralité des lois de la nature sont pour nous un fait, auquel nous croyons parce qu’il est, et non parce qu’il serait absurde ou impossible qu’il ne fût pas. Mais alors qui nous garantit l’existence de ce double fait ? Est-ce l’expérience universelle ou serait-ce par hasard une induction antérieure à celle qu’il s’agit d’expliquer ? Non, répond Royer-Collard, c’est notre nature elle-même. Il est difficile d’imaginer une confusion d’idées plus complète. Notre nature ne peut pas nous instruire à priori d’un fait d’expérience : or, en dehors de l’expérience et des faits, il n’y a pour nous que des vérités de raison, dont l’opposé est absolument impossible : un jugement qui n’est pas empirique, sans être cependant nécessaire, est donc un véritable monstre, qui n’a point de place dans l’intelligence humaine. Reid1.